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Ohoettilto-4 (oho-et-til-to-4)

En07,mort de Satprem,TexteParJoshi(18p. environ.)



EN 07, UN MOIS APRÈS LA MORT DE SATPREM,
UN TEXTE ÉCRIT PAR KIREET JOSHI

 

Le présent texte avait été publié le 3 août 2014* sur le site internet Ohoettilto qui est désormais interdit. Il est republié ici mais avec la correction de quatre fautes, un ajout qui est indiqué, ainsi qu’avec le présent bloc de paragraphes en plus.
(Kireet Joshi mourut le 14 septembre 2014*.)
Voici le texte.



INTRODUCTION

Un mois après la mort de Satprem le 9 avril 07, Kireet Joshi émit un texte qui est une sorte de biographie. Pour les textes de ce genre, on emploie souvent le mot nécrologie. Celui de Joshi concerne surtout ce qui est le plus important : la suite de la manifestation supramentale là où elle était la plus avancée, c’est-à-dire en Satprem.

Ci-après, il y a la description de ce texte, des explications concernant certains choix de traduction puis la traduction en français. (Le texte original en anglais est dans un autre article.) [Ajouté lors de la publication sur le présent blog. Ce texte en anglais avait été publié aussi le 3 août 14 sur le site Ohoettilto, sous le titre : One month after the death of Satprem, a text written by Kireet Joshi. Il n’est pas republié sur le présent blog car, depuis le 15 avril 18, un texte en anglais, qui ne fut pas comparé au précédent, est sur le site Overman Foundation créé par Anurag Banerjee.]


DESCRIPTION DU TEXTE

C’est un texte en anglais, de 27 pages, aux lignes espacées.



QUELQUES CHOIX DE TRADUCTION

Joshi fit de nombreuses citations. À côté d’elles, il y a des phrases qui ne sont pas présentées comme citations mais qui en sont parfois ou dans lesquelles c’est le temps des verbes seulement qui est changé, ou il y a un résumé, etc. Joshi eut raison de citer souvent. Dans la traduction en français, les citations ne sont pas traduites de l’anglais mais proviennent des livres indiqués. Il en est de même pour d’autres passages. En d’autres cas, les mots de Satprem sont employés quoique ça ne soit pas dans une citation.


Joshi indiqua entre parenthèses les pages d’où provinrent des citations. Dans la traduction, les pages du texte français sont indiquées, suivies par celles indiquées par Joshi pour l’anglais, le tout entre parenthèses. Lorsque l’indication d’un numéro de page est ajoutée là où Joshi n’en mettait pas, elle est placée entre des crochets.

Le mot français supramental correspond au mot anglais supermind. Joshi n’employa que neuf fois ce dernier mot(avec ou sans première lettre majuscule) et, toutes les autres fois, il employa le mot supramental. Pourquoi Joshi fit-il cela puisque, à propos de signification, aucune différence n’apparaît ? Quelqu’un qui le connaît pourrait le lui demander. Dans la traduction en français, c’est toujours le mot supramental qui est employé et, les neuf fois où Joshi employa supermind ou Supermind, ce mot est ajouté entre des crochets.

Par ailleurs, à propos du livre de Satprem titré Évolution II, Joshi employa les deux expressions suivantes : « beyond the mind and overmind » (au-delà du mental et du surmental) et « the borders of the Mind and the Overmind » (les lignes, les barrières, les limites supérieures, qui font le bord supérieur du Mental, et celui du Surmental).
Il y a un problème qui est que, selon Sri Aurobindo et la Mère, le surmental fait partie du mental, en est la partie la plus élevée. Les deux expressions de Joshi transmettent donc une idée fausse et, lorsque le traducteur ne veut pas la diffuser, il doit trouver une manière de traduire où cette erreur n’existe pas.
D’abord, qu’est-ce qu’il y a dans ce livre de Satprem ?
Les deux expressions de Joshi ne sont pas dedans !
Comme dit p. 46, « cette "ligne" mentale, comment la traverse-t-on pour accéder à ce monde de connaissance au-dessus de la tête ? » Lorsque cette ligne dite « mentale » est traversée, on se retrouve avec l’état de conscience, les états de conscience, qui correspondent à cela. P. 49, il y a ceci : « Entre la ligne mentale et l’ultime bout de la ligne sur-mentale nous avons tout l’espace de l’exploration humaine connue ». Ladite « ligne mentale » désigne la limite supérieure de ce qui est appelé alors mental, une barrière, qui doit être franchie pour « accéder à ce monde de connaissance au-dessus de la tête ». (P. 46, Satprem dit que, pour lui, elle fut franchie naturellement, avec le sous-entendu : facilement.) C’est donc par distinction entre ce qui est plutôt ordinaire et ce qui est au-delà que la limite, la barrière, entre les deux est appelée « "ligne" mentale ».
Après l’avoir franchie, si l’on continue à tirer le fil, il finit par y avoir une autre limite, ligne, barrière, indiquée comme suit p. 48 : « Et si l’on persiste, on se heurte ou l’on bute à un nouveau et ultime barrage, [...]. » C’est à la limite supérieure du surmental.
Et il y a ce qui est au-delà d’elle. P. 55 : « Sri Aurobindo [...] pendant quarante ans, de 1910 à 1950, il allait explorer et labourer dans cet inconnu au-delà de la dernière ligne. » P. 71 : « Au-delà de cette ligne océanique, sur-mentale, disions-nous, on entre dans [...]. » P. 95 : « Sri Aurobindo appelait "Supra-mentale" ce milieu dense, solaire, au-dessus de la dernière ligne sur-mentale, [...]. »
Donc, Satprem parla d’une ligne (limite, barrière) mentale et d’une ligne (limite, barrière) surmentale, sans parler des deux en même temps à propos de ce qui est au-delà de la limite supérieure du surmental. Les deux expressions de Joshi ne sont donc pas légitimes, même seulement par rapport à ce livre de Satprem.
En plus, p. 56 il y a une citation de quelque chose dit par Sri Aurobindo : « C’est seulement en s’élevant vers une conscience plus haute, au-delà de la ligne mentale... que l’homme pourra émerger de son incapacité et son ignorance ». Ce qui est appelé « ligne mentale » est la ligne surmentale. Ça correspond à la conception de Sri Aurobindo et la Mère selon laquelle le surmental fait partie du mental.
Enfin, dans « the borders of the Mind and the Overmind », le mot « borders » est au pluriel. Il est donc parlé de deux lignes, barrières, limites supérieures, et il n’y a donc pas la signification suivante : la ligne du mental qui est aussi celle du surmental puisque ce dernier est dans le mental, en étant la partie la plus haute de celui-ci.
Il fut donc décidé de traduire « beyond the mind and overmind » par : au-delà du surmental, en ajoutant les mots anglais entre parenthèses.
Le groupe de mots « the borders of the Mind and the Overmind » est traduit par : la ligne du Surmental, en ajoutant les mots anglais entre parenthèses.
Dans tout cela, c’est le mot ligne qui est employé dans la traduction car c’est celui qui le fut par Satprem dans ce livre.

Par ailleurs, Joshi écrivit ceci : « the adventure that his whole heart and soul and body were looking for ». Ça peut être traduit ainsi : l’aventure que tout son cœur, son esprit et son corps cherchaient. Au lieu de « soul », Joshi aurait-il dû employer le mot mental ? Le mot corps désignerait seulement le physique mais le mot cœur ne peut pas désigner tout le vital. Alors, est-ce que Joshi employa le mot cœur pour désigner le psychique, soul pour désigner l’esprit (c’est-à-dire, dans le vocabulaire de Sri Aurobindo et la Mère, ce qui est juste au-dessus de la tête), le mot corps désignant l’ensemble physique-vital-mental, ce mental n’incluant pas tout ce qui est au-dessus de la tête ? On ne sait pas. Dans la traduction, les mots cœur, esprit et corps sont employés.

Enfin, « [...] that restrict the evolved form within definite narrow grooves of the manifestation of consciousness within fixed limits » est traduit par : (...) qui restreignent la forme évoluée à l’intérieur de sillons étroits définitifs, ce qui correspond à la manifestation de conscience à l’intérieur de limites fixées. Qui a une meilleure traduction ?



TRADUCTION EN FRANÇAIS

 

Satprem (1923-2007)
Un Tribut
Par Kireet Joshi

 

Satprem naquit à Paris le 30 octobre 1923. Il était marin et breton. Son nom à sa naissance était Bernard Enginger. Alors qu’il était jeune homme et membre de la Résistance française durant la Deuxième guerre mondiale, il fut arrêté par la Gestapo. Il avait alors vingt ans. Il passa un an et demi en camps de concentration. Après sa libération, il voyagea d’abord en Haute Égypte puis en Inde, où il servit dans le gouvernement colonial de Pondichéry. Là, il découvrit Sri Aurobindo et la Mère. Il fut profondément frappé par cette affirmation de celui-ci que « L’homme est un être de transition ». Mais il quitta Pondichéry à ce moment après avoir démissionné de son poste, et il passa une année aventureuse en Guyane au milieu de la jungle amazonienne. Puis il erra au Brésil et en Afrique. Il avait trente ans quand, en 1953, il retourna en Inde pour de bon et rejoignit l’Ashram de Sri Aurobindo à Pondichéry.

Satprem était une personnalité magnifique qui était toujours nouvelle, toujours jeune et fraîche, constamment animée par une énergie électrique, intolérante à la prétention et à l’hypocrisie. Ce grand représentant plein de jeunesse de l’humanité quitta son corps il y a un mois, laissant pour nous et lui-même la tâche du progrès continuel vers la supramentalisation, qui peut être visiblement exprimée dans les formes de ce que Sri Aurobindo appela « le corps divin ». Le colossal travail qu’il fit avec sa dévotion ardente à Sri Aurobindo et la Mère pour l’avancée de l’évolution de l’humanité ne peut pas être décrit ou mesuré facilement. Il était comme un « premier homme », qu’il décrivit dans son Introduction aux fabuleux treize volumes de L’Agenda de Mère. Celui-ci est un compte-rendu quotidien de vingt-deux ans (1951-1973) d’exploration de Mère dans la conscience du corps, et la découverte du « Mental des cellules » capable de transformer les conditions du corps humain et les lois de l’espèce humaine. Il était un candidat parfait pour être un participant à l’exploration de la Mère et pour être Son confident ; car quand il vint à la Mère en 1954, il avait fait un voyage long et rapide, était passé à travers ces expériences fondamentales (dont celle de vivre pendant des mois dans des camps de concentration où la mort était imminente à tout moment), qui obligeaient l’Homme à se redécouvrir lui-même et à se demander ce qu’il y a dans la vie et le monde pour l’Homme et après l’Homme.

Son « cœur battait comme à la retrouvaille d’un très vieux mystère ». Tout d’un coup, il avait senti que « c’était très nouveau d’être un homme » et que « c’était, mystérieusement, comme être autre chose encore qu’un homme, une étrange possibilité pas au point qui pouvait aussi [être] toutes sortes d’autres choses ». Il en était là lorsqu’il rencontra la Mère. Il décrivit ce moment critique de son évolution comme l’« intersection de l’anthropoïde retrouvé et du "quelque chose" qui avait mis en route cette invention inachevée et l’avait, quelques instants, pris au piège d’une mécanique dorée ».

Il découvrit la Mère comme « notre fable devenue vraie ». Il trouva que la Mère était là pour « autre chose », que, dans sa vie et son être, une nouvelle Histoire était commencée, ‒ une Histoire où la Matière et l’Esprit se retrouveraient « dans une "troisième position" PHYSIOLOGIQUE, qui serait peut-être, enfin, la position de l’Homme découvert, le quelque chose qui avait si longtemps battu et souffert en quête de sa propre espèce ».

Satprem ne vint pas à la Mère pour appartenir à une Église et pour adorer et, justement, il trouva la Mère s’exclamant, « Pourquoi voulez-vous adorer ? » « vous n’avez qu’à devenir ! C’est la paresse de devenir qui fait qu’on adore ».
Et pourtant, il fallut sept ans pour que Satprem, méfiant et rebelle, comprenne que Sri Aurobindo et la Mère avaient commencé « là où finissent les autres yogas ».
Comme il expliqua : « Sept ans, nous nous sommes battu avec Elle. C’était fascinant, c’était détestable ; c’était puissant et doux ; on avait envie de crier et de mordre, et de fuir et de revenir toujours : "Ah ! tu ne m’auras pas ! Si tu crois que je suis venu ici pour adorer, tu te trompes !" Elle riait. Elle riait toujours. Nous avions tout notre saoul d’aventure... »

Enfin, il découvrit que Sri Aurobindo et la Mère avaient entrepris un programme correspondant exactement à sa recherche la plus profonde. Non seulement changer l’homme, mais même changer sa peau. Oui, entreprendre la tâche de changer l’espèce humaine, d’effectuer la transition de l’homme à une nouvelle espèce, depuis que c’était devenu gravement urgent et impératif en tant que solution réelle et radicale de la crise contemporaine. Satprem découvrit qu’il était nécessaire d’avoir couvert tous les chemins de l’Esprit et tous ceux de la Matière avant de découvrir ou même simplement de comprendre que ce qui était nécessaire était « autre chose », ni « un Esprit amélioré ni une Matière améliorée ». Comme il l’expliqua, comment la chenille pourrait-elle visualiser ou comprendre qu’elle a à devenir quelque chose d’autre, un papillon ?
Satprem réalisa que Sri Aurobindo et la Mère étaient dans l’aventure de la nouvelle espèce, ‒ et c’était exactement l’aventure que tout son cœur, son esprit et son corps étaient en train de chercher.

Un grand moment dans le développement de sa sâdhanâ arriva quand la Mère lui demanda, « Es-tu conscient de tes cellules ? » « Non, eh bien, deviens conscient de tes cellules et tu verras qu’il y a des résultats terrestres ». C’est pourquoi la propre recherche de Satprem fut concentrée sur la découverte de la conscience des cellules, ‒ une tâche pour laquelle la recherche yoguique personnelle de la Mère avait avancé loin et très loin.
En mai 1959, la Mère expliqua ceci à Satprem :
« Quand on est sur le chemin qui monte, le travail est relativement facile. J’avais déjà parcouru ce chemin au début du siècle et établi une relation constante avec le Suprême, avec Ça qui est au-delà du Personnel et des dieux et de toutes les expressions extérieures du Divin, mais aussi au-delà de l’Impersonnel Absolu. C’est quelque chose dont on ne peut pas parler ; il faut en avoir l’expérience. Et c’est ça qu’il faut faire descendre dans la Matière. C’est le chemin qui descend, celui que j’ai commencé avec Sri Aurobindo ; et là le travail est immense. » « Et pourtant la présence, l’aide de la Mère suprême est là constamment ; alors on se rend compte que pour les hommes ordinaires, pareil travail est impossible, ou qu’il y faudrait des millions de vies, et qu’à vrai dire, à moins qu’on ne fasse le travail pour eux et la sâdhanâ du corps pour toute la conscience terrestre, ils ne parviendront jamais à la transformation physique, ou à une échéance si lointaine qu’il vaut mieux ne pas en parler. ... » (Agenda de Mère, Vol. 1, p. 314 du texte en français, p. 300 du texte en anglais.)

Satprem participa activement, avec un feu brûlant dans son cœur, au programme sans précédent de recherche que la Mère était en train de développer. La Mère était au « temps où la Science comme la Spiritualité, au bout de leur course, doivent découvrir ce qu’est VRAIMENT la Matière, parce que c’est là vraiment » qu’un « Esprit que nous ne connaissons pas » doit être trouvé. C’était « le temps d’une toute petite cellule pure QUI AURA DES EFFETS TERRESTRES, infiniment plus radicaux que toutes nos panacées politiques et scientifiques ou spiritualistes ». [Agenda, t. 1, p. 18.] La découverte de la cellule pure est toute l’histoire qui a été narrée dans les treize volumes de l’Agenda de Mère, et toute cette histoire fut racontée au cours de conversations entre Satprem et la Mère pendant une longue période de dix-sept ans. Jour après jour, la Mère s’asseyait avec Satprem pour lui dire « son impossible cheminement ». Les questions constantes étaient : « Quel est le passage » pour découvrir une pure petite cellule ? « Comment fraye-t-on le chemin de la nouvelle espèce ? »
La recherche atomique de notre temps a découvert la terrifiante énergie qui est contenue dans l’atome, et pourtant nous sommes loin de connaître la nature réelle de la Matière qui est l’étoffe de l’atome. Mais ici la Mère était engagée dans la recherche de la cellule vivante, qui est trouvée partout encapsulée dans la Matière. Cette recherche promettait la découverte d’une énergie beaucoup plus grande concentrée dans la cellule qui, lorsqu’elle sera relâchée, pourrait révéler la vraie nature pas seulement de la Vie organique, mais aussi de la Matière et du Mental, même du Supramental [Supermind]. Satprem eut le privilège d’entendre et d’enregistrer les découvertes fabuleuses de la Mère alors qu’Elle traversait les innombrables marches avec la vitesse d’un ouragan. Décrivant ce que la Mère lui avait narré, Satprem écrivit :
« C’était incompréhensible et comme plein d’une autre compréhension. Ça nous échappait de tous les côtés, et pourtant c’était d’une fulgurance évidente. Une "autre espèce" c’était vraiment radicalement autre, et pourtant ça vibrait dedans comme une reconnaissance absolue, comme si c’était ÇA qu’on cherchait depuis des âges et des âges, ÇA qu’on appelait sous toutes les illuminations, à Thèbes, comme à Éleusis, comme partout où nous avions peiné en peau d’homme. » (Agenda de Mère, Vol. 1, p. 19 du texte en français et de celui en anglais.)

L’Agenda est l’histoire de l’effort surhumain de la Mère et de sa victoire. Lorsque Sri Aurobindo quitta son corps en 1950, il (Sri Aurobindo) assigna à la Mère la tâche suprême de fixer le supramental [supermind] dans le corps, tâche qui n’avait jamais été accomplie dans l’histoire entière de la Terre.
Combien suprêmement difficile était cette tâche peut être constaté lorsque nous lisons l’une après l’autre les six mille pages de l’Agenda. Mais finalement, dans Sa conversation avec Satprem du 14 mars 1970, la Mère annonça que CE travail était fait. La Mère ajouta : « C’était cela, le travail que Sri Aurobindo m’avait donné ». (Agenda de Mère, Vol. 11, p. 107 du t. en f., p. 103 du t. en a.) La Mère avait atteint la fin de la tâche.
La Mère expliqua que, quoique ce qui avait été accompli l’avait été, il fallait encore le mener à bien, le réaliser dans chaque détail selon les mots de la Mère : « Ça doit être worked out comme on dit [mené à bien], c’est à réaliser dans tous les détails, mais le changement EST FAIT – le changement est fait. C’est-à-dire que les conditions matérielles qui ont été élaborées par le mental, FIXÉES par lui (Mère serre ses poings solidement), et qui paraissaient si inévitables, au point que ceux qui avaient une expérience vivante des mondes supérieurs pensaient qu’il fallait fuir ce monde, abandonner ce monde matériel si l’on voulait vraiment vivre dans la Vérité (c’est cela qui est la cause de toutes ces théories et de toutes ces croyances), mais maintenant, ce n’est plus comme ça. Maintenant, ce n’est plus comme ça. Le physique est CAPABLE de recevoir la Lumière supérieure, la Vérité, la vraie Conscience, et de la ma-ni-fes-ter. » (Agenda de Mère, Vol. 11, p. 107 du t. en f., p. 102 [?] du t. en a.)
Comme la Mère l’annonça, « Ça doit être worked out comme on dit », mené à bien. Elle avait ajouté que cela peut prendre des siècles pour être worked out, mené à bien, dans tous ses détails ; Sri Aurobindo avait dit que cela prendrait au moins trois cents ans. Mais la conscience supramentale donne au mouvement évolutif une accélération inimaginable du processus de transformation. Il ne s’arrête nulle part ; il fait avancer aussi rapidement que possible vers un point où la transformation serait instantanée.
La Mère avait continué son voyage progressif et, dans ce processus, elle avait fait de nouvelles découvertes, et elle avait passé à travers un enfer de résistance de la part du vieux monde, ‒ même après avoir bâti dans son corps un nouveau corps de cellules éveillées où il n’y a pas de « vie » et pas de « mort » mais une « autre vie » C’était un voyage périlleux, et un aperçu en est disponible pour nous dans l’Agenda au 19 mai 1973, le jour après lequel la porte de la Mère fut fermée.

La Mère avait à vivre encore six mois, 182 jours ; la Mère quitta Son corps le 17 novembre 1973. Et Satprem enregistra ce qui suit :
« Nous étions tellement cassé, brisé ce 18 novembre – il n’y avait plus qu’un mal de tête aveuglant et des yeux vides qui regardaient-regardaient ce défilé des morts. Et puis, soudain, nous avons eu la plus formidable expérience de notre vie. Nous nous étions tellement plaint à Mère de n’avoir jamais d’"expériences" ! Nous n’étions pas en état d’avoir une expérience, ni de nous concentrer, ni de prier, ni de vouloir – nous étions seulement ce mal de tête, ce corps qui a mal partout, cette espèce de nullité effrayante qui regardait une petite forme blanche. Une incompréhensible mascarade. C’était faux-faux à hurler. C’était un rêve, ce n’était pas vrai.
C’était toute la vie qui était pas-vraie.
Alors elle nous a pris dans ses bras. Elle nous a soulevé au-dessus de notre mal de tête, soulevé au-dessus de cette foule, soulevé au-dessus de tous ces petits corps incompréhensibles – et puis c’était un éclatement. Nous sommes entrés dans un formidable carillon – vaste comme l’univers, au-dessus de tous les univers, toutes les vies, tous les corps, et pourtant DEDANS –, un gigantesque son de cloche qui balayait les mondes, balayait les peines, balayait les pourquoi, les comment, et nous n’étions plus que dans ce SON formidable dont chaque battement carillonnait sur l’univers :

PAS D’OBSTACLE, RIEN N’EMPÊCHE
PAS D’OBSTACLE, RIEN N’EMPÊCHE
PAS D’OBSTACLE, RIEN N’EMPÊCHE...

... à la volée, et c’était tout le monde qui volait dans un torrent de joie, impérieuse, irrésistible – triomphante. RIEN N’EMPÊCHE...
C’était le nouveau monde inévitable.
C’était .
C’était fait.
Tout notre corps en tremblait. » (Agenda de Mère, Vol. 13, p. 431-432 du t. en f., p. 425-426 du t. en a.)

La vie de Satprem était centrée sur la Mère, et l’expérience ci-dessus doit lui avoir donné une nouvelle lumière sur le chemin où il marchait avec la Mère, ‒ le chemin de la nouvelle espèce. En même temps, il avait vu que sa grande responsabilité était la tâche d’être historien et géographe, puisqu’[il y avait] l’Agenda de l’action supramentale sur la Terre que la Mère avait effectuée en accomplissement du travail que Sri Aurobindo lui avait donné, qui avait été constatée par lui jour après jour, enregistrée par lui, et transcrite par lui. Il était le seul dépositaire de toutes les bandes magnétiques enregistrées et des transcriptions. La Mère lui avait dit que cet Agenda était un cadeau pour tous ceux qui L’aimaient et que, lorsque la courbe du travail de recherche qu’elle effectuait atteindrait le point d’accomplissement, il pouvait être donné publiquement au monde.
L’affirmation de la Mère du 14 mars 1970 où elle avait dit que la tâche que Sri Aurobindo lui avait donnée était faite, et l’expérience du « pas d’obstacle » donnée par Elle le 18 novembre 1973 firent que Satprem avait désormais la certitude qu’il avait à présenter à l’humanité le compte-rendu fait par la Mère de la descente du supramental [supermind] sur la terre, des innombrables découvertes qu’Elle avait faites dans Sa gigantesque tâche de FIXER le supramental [supermind] dans la conscience physique, et de l’accomplissement final et du triomphe de la Mère. Un volume pourrait être écrit sur la bataille héroïque qu’il eut à mener pour réussir à préparer et publier ces mémorables et monumentaux treize Volumes de l’Agenda de Mère, d’abord en français, ensuite en anglais. Satprem combattit héroïquement et prouva que son seul souci était de présenter au monde entier, avec une fidélité parfaite, le compte-rendu complet et intégral de l’aventure évolutive entreprise et accomplie par Sri Aurobindo et la Mère pour faire face à la crise évolutive de l’humanité dans laquelle le choix de la survie et de la finalité de l’espèce humaine se trouvait cachée. Le courage et l’héroïsme de Satprem furent manifestés dans cette bataille, et l’humanité entière aura toujours de la gratitude envers lui pour avoir diffusé tous les secrets de Sri Aurobindo et la Mère concernant la transition de l’évolution de l’homme vers le Surhomme divin [the divine Superman].

L’Agenda de Mère restera comme la suprême contribution et, à l’appui de ces treize Volumes, les œuvres de Satprem indiquées ci-après resteront toujours d’une importance inestimable : Sri Aurobindo ou l’Aventure de la Conscience, Mère ou le Matérialisme divin, Mère ou l’Espèce nouvelle, Mère ou la Mutation de la Mort. Ces livres nous disent d’une manière frappante la suprême histoire de Sri Aurobindo et la Mère, la suprême histoire de la prochaine espèce ; ils nous apportent une vive image des évènements qui ont pris place non seulement aux plus hauts niveaux de la conscience supramentale mais aussi au niveau psychologique et cellulaire de l’humanité durant le temps de vie de Sri Aurobindo et la Mère.

Le plus important sommaire de l’Agenda de Mère fut présenté par Satprem en 1981 dans son livre Le mental des cellules. Ce livre fut originellement en français [en 198 pages], et la traduction en anglais, The Mind of the Cells, parut en 1999. Ce livre de 250 pages est une magistrale présentation de la « biologie-policière de la prochaine espèce » narrée dans les six mille pages de l’Agenda de Mère. Ce livre énonce « les expériences décisives de Mère » « brutalement, sans fioritures ni commentaires », comme des « expériences de laboratoire », et il trace les lignes d’état en état « jusqu’à ce que le puzzle soit complet et la conclusion inévitable ». Ainsi il montre l’affirmation importante de Mère que, « à travers chaque formation individuelle, la substance physique progresse, et un jour elle sera capable d’établir un pont entre la vie physique telle que nous la connaissons et la vie supramentale qui se manifestera ». (Agenda de Mère, 28 novembre 1958.)
Comme Satprem l’annonça, la découverte par Mère du mental des cellules comme « élément nouveau » pour fixer la conscience supramentale dans la conscience physique marque « la révolution la plus formidable que l’homme ait jamais accomplie depuis qu’un jour, dans une clairière du néolithique, un premier hominien s’est mis à compter les étoiles et ses peines ». The Mind of the Cells, 1999, p. 19) [Le mental des cellules, 1981, p. 15 et 5.]
En termes de conscience, le bagage propre de Satprem était celui d’un parfait scientifique, méticuleux et microscopique, inflexible et inexorable dans ses demandes de preuve ; il avait une conscience philosophique pénétrante avec finesse, capable de forer à travers les apparences pour atteindre les hauteurs suprêmes de la Réalité Ultime ; et il avait l’inépuisable habileté d’un ingénieur capable de joindre les deux pôles de la conscience, le supramental et le physique. Et, par-dessus tout, il était un artiste en littérature des plus hauts rangs, capable d’une élégance aristocratique et d’expressions ciselée en mots et phrases qui étincellent avec lumière et un pouvoir incontestable d’inspiration créative.

Lorsqu’il était en train d’écrire Le mental des cellules en 1980, il se préparait à plonger dans son propre processus de transformation physique et de commencer un processus de placement de son corps comme laboratoire de la conscience supramentale qui avait déjà été descendue par la Mère et avait été manifestée dans le corps de Mère ‒ qui était déjà le corps entier de la Terre.
La Mère avait parlé de la nécessité de quelque corps intermédiaire qui, par les répétitions progressives de l’action de la conscience supramentale dans la Matière, créerait finalement la projection du corps supramental, qui ne serait pas produit par le procédé animal, mais directement en tant que corps supramental par un procédé supramental.
Satprem se préparait à devenir un candidat pour être le prochain chaînon intermédiaire entre le corps humain ordinaire et le corps supramental.
Satprem rappela l’affirmation suivante de la Mère qu’elle fit en 1955, où elle prévit la possibilité future de la manifestation du corps supramental. Elle avait dit : « Je pense que cela se produira au moment où il y aura un nombre suffisant de consciences qui sentiront d’une façon absolue que ça ne peut pas être autrement. » « tout ce qui a été et qui est encore maintenant » doit apparaître « comme une absurdité qui ne peut pas durer ... c’est à ce moment-là que ça pourra se produire, mais pas avant. » « Malgré tout, il y aura un moment où ça se passera, il y aura un moment où le mouvement basculera dans une réalité nouvelle... Il y a eu un moment où l’être mental a pu se manifester sur la terre. » « Il y aura un moment où une conscience humaine sera dans un état suffisant pour qu’une conscience supramentale puisse entrer dans cette conscience humaine et se manifester. » « ça ne s’étale pas comme un caoutchouc » « ça peut se faire dans un éclair ». (lbid, p. 230 du livre en anglais, p. 368, 372 et 379 de Entretiens 55 dans l’édition de 80.)

La Mère avait déjà fixé la conscience supramentale dans Son corps terrestre. Un nombre suffisant de consciences étaient désormais à suivre cet accomplissement. Quand Satprem demanda, « Pourquoi pas maintenant ? » il était prêt à devenir une apocalypse et à se plonger dans le processus pour devenir un lien dans la chaîne de l’évolution à venir.

En 1981, Satprem commença un nouveau chapitre de sa vie. Il mit son corps sous le Marteau-Pilon du Pouvoir supramental qui avait déjà construit le pont cellulaire.

En 1992, il présenta un bref compte-rendu de son expérimentation évolutive et de sa découverte des « trois éléments » de ce qu’il appela « Évolution II ». [P. 125 du texte en français.]

Comme Satprem l’indiqua dans son livre Évolution II, à l’âge de trente ans il était arrivé au point où il fut convaincu que ce qui était le plus important n’était pas de devenir un être humain mais de devenir posthumain. Il avait conclu que « l’expérience humaine ne nous donne que des "trucs" et des masques » « et non la réalité puissante qui pourrait se délivrer elle-même et se mouvoir elle-même et nous ouvrir le fruit doré des millénaires ». [Évolution II, p. 29 du t. en f.]
Alors, il vint en Inde où, à Pondichéry, il travailla pendant vingt ans près de la Mère, de laquelle, dit-il, il apprit tout.
Il apprit à propos des deux fins de l’expérience humaine, la plus haute fin et la plus basse, et, par-dessus tout, il apprit de Sri Aurobindo qui avait labouré « ce champ inconnu de l’Évolution II qui renversera les lois » de nos conditions humaines et terrestres, « et toutes les lois telles qu’elles sont depuis quatre milliards d’années, scientifiques, religieuses ou zoologiques ». Il avait découvert ce que Sri Aurobindo avait fait pendant quarante ans, nommément, avoir « expérimenté jour et nuit pendant des années et des années, plus scrupuleusement qu’un savant ne vérifie sa théorie ou sa méthode sur le plan physique ». [P. 57 du t. en f.]

Sri Aurobindo a énoncé clairement « son panorama humain et son but » dans les mots suivants : « C’est seulement en s’élevant vers une conscience plus haute, au-delà de la ligne mentale... que l’homme pourra émerger de son incapacité et de son ignorance. Sa libération complète et son illumination viendront quand il traversera la ligne pour entrer dans la lumière d’une nouvelle existence supraconsciente. Telle est la transcendance qui était le but et l’aspiration des mystiques et des chercheurs spirituels. MAIS ceci en soi ne changerait rien à la création ici-bas, l’évasion d’une âme libérée du monde ne fait aucune différence pour ce monde. Par contre, si cette traversée de la ligne pouvait être retournée et servir non seulement à un but ascendant mais descendant, cela voudrait dire la transformation de la ligne telle qu’elle est maintenant – un couvercle, une barrière – en un passage des hauts pouvoirs de la conscience de l’Être qui est maintenant au-dessus de la ligne. Cela voudrait dire une nouvelle création sur la terre, une invasion des pouvoirs ultimes qui renverseront les conditions ici-bas. » (Évolution II, p. 56-57 du t. en f., p. 45-46 du t. en a.) [Sri Aurobindo, L’Énigme de ce monde.]

Donc, pendant vingt ans, Satprem écouta la Mère, et fut le témoin, alors qu’elle tâtonnait dans la nuit de l’avenir. [P. 63 du t. en f.] Enfin, étant prêt à communiquer ce dont il avait été le témoin, il fut renvoyé de l’Ashram de Pondichéry ; et il trouva un nouveau lieu, ‒ un lieu solitaire sur le sommet d’une colline dans l’Inde du Sud, où il fut trempé « dans une redoutable cataracte, une nouvelle sorte de convulsion évolutive d’où il peut sortir un être inconnu ». [P. 63 du t. en f.] Il sentit comme si son « corps vivait la convulsion même du monde, sa mort et sa vie nouvelle ensemble, sa contradiction, sa résistance de fer et de calcaire, et ce qui fait fondre le fer, l’obstacle et le pouvoir même qui se forge dans l’obstacle ». [P. 64 du t. en f.] Pendant dix ans, 1981-1991, il toucha, expérimenta, [P. 64.] ce pour quoi Sri Aurobindo et la Mère avaient travaillé et qu’ils avaient accompli.

Son livre, Évolution II, est un compte-rendu de dix ans de sa « propre navigation », et il se tient comme une confirmation éminente, par l’expérience personnelle, des résultats de la recherche expérimentale conduite par Sri Aurobindo et la Mère décades après décades, ‒ particulièrement depuis 1914 jusqu’en 1973.

Satprem montra qu’au-delà du surmental (« beyond the mind and overmind »), « on entre dans une zone interdite », « un no-man’s land ‒ vraiment une terre de personne, sans piste, sans signe – qui se caractérise par une densité... écrasante, de plus en plus écrasante à mesure que l’on s’enfonce là-dedans, comme si l’on entrait dans un air solide ».
Il rendit compte de son expérience quand pour la première fois il toucha à ces lieux. Il se dit à lui-même, ou son corps se dit : « c’est du solide-liquide ! ou du liquide-solide ». [P. 71-72 du t. en f.] Et « dans une nouvelle sorte de conscience », il lui fut montré un « "cube d’océan" – un morceau d’océan bleu saphir avec ses petits scintillements argentés, mais en cube, tenu par rien d’autre que lui-même ! C’était si solide que ça tenait tout seul, et pourtant c’était liquide ». Il se dit : « c’est un nouvel état de la Matière !, un quatrième état de la Matière, qui n’est plus solide, plus liquide, et plus gazeux, mais autre ». (P. 72 du t. en f., p. 60 du t. en a.) Les premières gouttes de ce solide liquide furent [celles d’] une « redoutable écluse ». [P. 80 du t. en f.] Pourtant, « les premières "gouttes" » furent « adorables, tout simplement, le corps, les cellules » s’emplissaient « d’un délice liquide, ruisselant, baignant ». Satprem fut « stupéfait et comblé » par ces « gouttes » pendant « quelques semaines, puis les "gouttes" » devinrent « de plus en plus denses, démesurées, torrentielles et inquiétantes – écrasantes ». Les cellules de son corps buvaient l’incroyable Nectar donneur-de-vie ; mais alors il y eut des tribulations. [P. 80-81 du t. en f.]
Satprem commença par être « envahi, troué et défoncé par une Énergie démesurée, à la limite de l’insupportable » et « la limite » était « chaque jour reculée ». [P. 82] Il sentait qu’il « était de plus en plus au bord d’une mort qui n’arrive pas et au commencement d’une vie qui n’en finit pas de naître ». Le corps de Satprem commença à subir le processus d’une « éducation nouvelle » qui lui enseigna « à ne pas paniquer ». [P. 82 du t. en f.]
Il eut « deux "leçons de choses" difficiles » ‒ celles concernant « le cœur et le cerveau ».
Il eut des « phénomènes cardiaques pénibles », « longs ou fulgurants et suffisamment "à la limite" – une fois, deux fois, dix fois ». « Puis une dernière "crise cardiaque" », et il expérimenta « une extraordinaire "salive" » coulant dans sa bouche, « liquide comme ne l’est aucune salive et d’une telle abondance ! » Satprem écrit : « Ça coule et coule dans la gorge comme un élixir. Et la crise s’arrête. L’élixir aussi. Après, on n’a plus de "crise", on ne croit plus en la "loi des cœurs" ». (P. 83 du t. en f., p. 68 du t. en a.)
Les « leçons de choses » pour le cerveau furent « plus difficiles à supporter » et il eut quelques grandes peurs ‒ « une, surtout : comme si l’on vous enfonçait un tuyau ou un petit tube de fer à travers le crâne jusqu’à l’occiput ». [P. 83 du t. en f.]
Satprem écrivit : « Puis il y a eu tant de bouilloires successives là-dedans et tant d’éclatements qui n’éclatent jamais que l’on ne croit plus, non plus, à la "loi des circonvolutions". Et finalement le corps ne croit plus en aucune loi parce qu’il est constamment en train de mourir et constamment à se retrouver debout et respirant... difficilement. Au bout de quelques années, il SAIT qu’il y a une autre loi – une seule Loi, la loi nouvelle, celle de l’autre côté des eaux et de la mort. Et ce corps sait de lui-même, spontanément et évidemment, qu’il est dans une espèce de tombe dont on essaye de l’extirper. » (P. 83-84 du t. en f., p. 69 du t. en a.)

Comme Satprem le dit, « Il n’y a pas de moyen de vous apprendre comment il faut devenir une autre espèce, puisque cela n’a jamais été » ; on se sent comme le poisson sur le sable, comment peut-il respirer ? [P. 89 du t. en f.] Et le processus évolutif développe le moyen de respirer. Ici, aussi, son « corps finit par s’apercevoir » que ces « courants » circulant descendant de ce qui est solide-liquide étaient « plus denses ou plus engorgés ici qu’ailleurs » mais « comme si, avec chaque respiration de la vieille respiration, il entrait et circulait une nouvelle dose de cette impossible cataracte de là-haut ». Satprem écrivit : « C’est une double respiration, du vieil oxygène avec ces soufflets pulmonaires, et d’une autre sorte de "quelque chose" qui circule en se servant du support mécanique des vieux sacs respiratoires inventés par nos frères amphibiens. Le corps découvre ses nouvelles voies de circulation. » (P. 90 du t. en f., p. 76 du t. en a.)

Dans l’expérience de Satprem, ce « qui était des "gouttes" de nectar devient torrent puis Niagara. Ce que les cellules accueillaient délicieusement devient oppressant et compressant au niveau » du cœur et du cerveau. « Ce qui était solide-liquide devient de plus en plus solide au niveau plus primordial du squelette ‒ ça résiste de plus en plus. » Satprem commença à appeler ce torrent d’énergie « "la foudre" car c’était d’une vélocité incroyable, comme une fraction de seconde pour descendre jusqu’au bout des pieds, et aussi "perçant" ou irrésistiblement (on pourrait dire inexorablement) écrasant et percutant qu’un éclair ». Satprem écrivit : « "Cela" traverse le sommet du crâne et se précipite jusqu’en bas pour se cogner contre un obstacle irréductible, coagulé comme du basalte, toujours le même, sous les pieds. La "foudre" tombe là, puis ricoche contre l’obstacle et remonte pour retomber encore, et encore et encore, avec chaque respiration ». « le corps est le tuyau de passage, le lieu où "ça" vient percuter. Il y a une couche basaltique ou minérale, là-dessous, qui semble aussi réfractaire et aussi vaste que la Terre. » (P. 94 du t. en f., p. 79 du t. en a.)

Quel était « ce milieu dense, solaire, au-dessus de la dernière ligne sur-mentale » dans lequel Satprem était entré ? Un jour, celui-ci trouva par hasard « la plus exacte définition possible », « donnée par Sri Aurobindo au hasard d’une conversation et comme par inadvertance ». Sri Aurobindo l’appela « Supra-mental » [Supermind] et il dit simplement : « Le supra-mental [Supermind] est plus fluide qu’un gaz et plus dur que du diamant ». (P. 95 du t. en f. et p. 80 du t. en a.)

Le corps de Satprem avait été pilonné par le supramental (supermind) qui avait été descendu par Sri Aurobindo et la Mère, et qu’il avait été capable de contacter aussitôt qu’il avait traversé la ligne du Surmental (« the borders of the Mind and the Overmind »). Le corps de Satprem, qui était sous la nouvelle force qui poussait, nécessitait des expériences répétées des « milliers de fois » [« pour que le corps comprenne et adhère »], et ces expériences concernaient la « vieille charpente évolutive résistante » et le processus de respiration.
La charpente est celle du squelette qui protestait « beaucoup contre l’écrasement de cette densité descendante » ; plus il était écrasé, plus il résistait. Il fut réalisé que ça forgeait une autre loi du squelette, et Satprem nota ce que Sri Aurobindo avait dit à propos d’un « mécanisme plus subtil » qui remplacerait la loi des « cyclotrons ». Sri Aurobindo avait dit : « Le processus subtil sera plus puissant que le processus matériel si bien que l’action subtile d’Agni sera capable de faire des opérations qui, autrement, maintenant, nécessiteraient un changement physique telle une température accrue. » [P. 130-131 du t. en f.]
Satprem eut « une seule expérience, qui » se répéta « pendant plusieurs jours de suite, toujours pareille, puis elle » disparut sans raison apparente. Cette expérience était une sorte de promesse, et c’était probablement un signal indiquant d’attendre jusqu’à ce que toute chose « soit prête dans le grand creuset terrestre ». Satprem décrivit l’expérience comme suit : « Au lieu de l’écrasement habituel sous l’effet de cette respiration dense et pilonnante, c’était comme si (pas "comme si" !) la fluidité l’avait emporté sur le côté diamantin de l’opération : une marée ! une marée d’air dense, mais de l’air tout de même, qui traversait, roulait le corps dans sa vague, le gonflait d’aise et de puissance, et encore et encore. Vraiment comme si les os étaient devenus une espèce de cartilage bouilli, sans résistance aucune, ou peut-être traversés par cette fluidité "foudroyante" et ondoyante, comme un mur illusoire dont il ne resterait plus que le vide intra-atomique. Et tout était roulé d’aise dans la vague – comme une méduse peut-être ! » (P. 132-133 du t. en f., p. 111-112 du t. en a.)
Satprem nota que « C’était d’un seul coup une nouvelle structure, qui n’avait pas besoin d’attendre les millénaires darwiniens et les lentes modifications de carapace d’une espèce à l’autre. Cette densité-là vous tenait tout seul debout, sans armature, par le seul pouvoir de sa densité... fluide. Rien n’est détruit et tout est changé ». (P. 133 du t. en f., p. 112 du t. en a.)
L’expérience de Satprem alla plus loin et il nota : « Mais ce qui est curieux, c’est que cette densité ou cette Énergie est à la fois votre structure et votre respiration. Les deux grands ingrédients évolutifs réunis en un ».

Satprem ajouta : « Et peut-être trois ingrédients réunis en un ».
Il expliqua : « [...] il m’a été montré, non pas dans l’expérience du corps mais par cette espèce de vision d’au-delà des tombes – celle qu’ont les yeux du corps quand il a un pied de ce côté-ci et un pied de l’autre côté – que cette respiration nouvelle est nourrissante. C’est un air nourrissant. » (P. 133 du t. en f., p. 112 du t. en a.)

Évolution II, comme expliqué par Satprem, apparaît comme signifiant ce qui suit :
(a) Au contraire de l’évolution qui exista jusqu’à maintenant, Évolution II est effectuée par la volonté consciente d’êtres humains agissant délibérément par le procédé du yoga intégral ;
(b) Évolution II introduit, dans le processus de l’évolution, le procédé du dépassement de la vieille loi des charpentes, structures et procédés qui restreignent la forme évoluée à l’intérieur de sillons étroits définitifs, ce qui correspond à la manifestation de conscience à l’intérieur de limites fixées ; une loi nouvelle, déterminée directement par la conscience supramentale toute-compréhensive et son pouvoir, est introduite, qui peut librement déterminer divers degrés de manifestation de la conscience et du pouvoir supramentaux ; et
(c) Les trois procédés qui sont normalement nécessaires à la conservation de la forme évoluée, à l’intérieur de limites inévitables de longévité ‒ précisément le squelette, la respiration et la nutrition, ‒ seraient remplacés par l’action d’une infiltration, à travers la respiration, du solide-liquide supramental dans une telle proportion que cette fluidité serait prépondérante, circulant à travers le corps de telle manière que sa densité, ‒ densité fluide ‒ constituerait en même temps la structure, la respiration et la nutrition.

Satprem était un scientifique minutieux dans ses méthodes d’expérimentation et dans la vérification des résultats de ses expériences. Il était méticuleux dans son positivisme et l’enregistrement de ses expérimentations et expériences [ses expérimentations et leurs résultats ?]. On n’a qu’à lire les six volumes de ses Carnets d’une Apocalypse dans lesquels il enregistra jour après jour ses expériences depuis 1981. Ces six volumes nous donnent un compte-rendu jusqu’à l’année 1986. Mais les enregistrements qu’il garda de ses expériences, quand ils seront publiés, donneront le rapport complet allant jusqu’à l’année 2006 ou 2007 ; et nous serons capables d’apprendre davantage à propos de la nature de ses expérimentations et de leurs résultats ; et ils seront extrêmement utiles pour les futurs candidats du yoga intégral, qui contribueront à faire la nouvelle espèce supramentale et la fabrication du corps supramental ou divin, sur lequel Sri Aurobindo a écrit un long passage dans un de ses derniers écrits : La Manifestation Supramentale sur la Terre. Le livre de Satprem Évolution II, donne seulement les grandes lignes résumées de ses expérimentations yoguiques et de leurs résultats tels qu’ils étaient en 1991-1992.

Maintenant, si nous posons la question de savoir quel point Satprem avait atteint dans les années qui suivirent, il peut être mentionné que je reçus personnellement une note de lui, en l’année 2006, dans laquelle il avait écrit : « Je suis arrivé au bout » (« I have reached the goal »). Je fus vraiment rempli de joie à lire cette note, et elle confirmait les prophétiques assurances que la Mère lui avait données, et qui sont enregistrées dans l’Agenda de Mère.
Nous pouvons référer, à ce sujet, au passage suivant qui se trouve dans la fin de la conversation de la Mère avec Satprem le 5 février 1961 [en réalité, le 4] : « Voilà, mon petit, ne te fais pas de soucis, TU ES SÛR, n’est-ce pas, tu es sûr non seulement d’avancer mais d’arriver au bout. Et le mental qui se tourmente, tu l’occupes avec ce livre sur Sri Aurobindo. Voilà, au revoir petit. Ne te fais pas de tourment. »

De nouveau, il est significatif que la Mère annonça à Satprem le 11 février 1961 :
« En tout cas, une chose : n’oublie jamais que ce que nous avons à faire, nous le ferons ; et nous le ferons ensemble parce que nous avons à le faire ensemble, c’est tout ‒ comme ceci, comme cela, de cette manière-ci, de cette manière-là (Mère penche sa main à droite et à gauche, comme pour désigner ce côté du monde et l’autre côté, la "vie" ou la "mort"), ça n’a pas d’importance. Mais ça, c’est le fait... vrai. Voilà petit. »

Le 10 janvier 1973, l’Agenda de Mère rapporte ce qui suit :
« (Satprem) On tâchera d’aller jusqu’au bout avec toi.
(Mère) Ah ! toi... (après un silence) Toi, tu iras jusqu’au bout.
(Satprem) Oh ! douce Mère... Mais je ne peux aller jusqu’au bout que si tu y vas !
(Mère rit
silence) »

Mais une question serait à poser : qu’est-ce qui fut exactement exprimé quand la Mère dit : « tu iras jusqu’au bout ». Strictement parlant, la fin serait l’accomplissement de la fabrication du corps supramental ou divin, ce qui serait une preuve physique, que même les aveugles seraient obligés de reconnaître. Mais Sri Aurobindo avait dit que cela prendrait des siècles, et la Mère avait dit que ça prendrait au moins trois cents ans. Mais la Mère avait aussi ajouté que le point décisif de l’accomplissement ne serait pas la manifestation extérieure et son apparence dans le corps matériel, mais serait ce point d’accomplissement où la conscience et le pouvoir supramentaux seraient fixés dans la conscience physique, de telle sorte que le supramental (supermind) pourrait se manifester dans celle-ci. La Mère avait dit que l’apparence extérieure du corps transformé serait la dernière chose de l’accomplissement mais pas le point crucial de celui-ci. Il peut être dit que la Mère avait déjà atteint la fin quand, le 14 mars 1970, elle dit ce qui est déjà cité ci-dessus.

À la lumière de ce qui précède, quand Satprem écrivit qu’il avait atteint le bout, nous devons comprendre, cela me semble clair, qu’il avait réussi à fixer la conscience supramentale dans sa conscience physique. Par la suite, il s’était évidemment avancé de plus en plus vers le corps complètement transformé, ‒ un but à atteindre pour lequel des siècles de travail seraient nécessaires. Mais il avait vraiment atteint le point que son corps humain actuel lui permettait d’atteindre.

Le dernier mot que Satprem prononça, alors qu’il était en train de prendre son petit-déjeuner le matin du dernier jour (9 avril 2007) de son existence physique, fut : « Ma ». Il était avec la Mère, et la Mère était avec lui. Comme la Mère lui avait dit qu’ils seraient ensemble, et nous pouvons être sûrs qu’ils sont ensemble et resteront ensemble encore et encore.

Dans l’histoire de l’évolution, Sri Aurobindo et la Mère marquent l’étape décisive, l’étape de l’irréversibilité. Le Supramental (supermind) a été pour la première fois fixé dans la conscience terrestre. Ils sont les leaders de l’évolution supramentale.
À leur suite, Satprem est le premier humain à accomplir et réaliser ce que la Mère lui avait promis. Sa vie, ses livres, et ses propres compte-rendus de sa sadhana fournissent un testament vivant de la progression de l’évolution II.